La plateforme mes-aides.gouv.fr est juste géniale. Elle vous permet d’évaluer vos droits à 25 aides sociales. Par contre, le délai de 7 minutes est très optimiste. A titre personnel, en ayant à ma disposition tous mes papiers, une calculatrice, et une concentration maximale j’ai mis 30 minutes pour effectuer la démarche. Ce temps de 7 minutes est bien entendu un temps médian. Plus la simulation comporte de champs à remplir pour les ressources et la famille, plus la durée augmente. De plus, afin d’affiner les résultats, l’utilisateur peut indiquer en fin de parcours ses derniers revenus imposables ainsi que son patrimoine (ce que j’ai fait). 95% des situations (y compris les plus complexes) se font en moins de 30 minutes. Ainsi cette plateforme pourrait être un outil formidable pour les travailleurs sociaux notamment. Mais elle n’est pas sans poser de question sur l’accompagnement qui en découle.
Évaluation ne vaut pas engagement
Quand vous terminez votre test, le simulateur vous indique les aides que vous êtes a priori susceptibles de toucher. Cette évaluation est faite en fonction des résultats fournis lors de la saisie. En aucun cas et à aucun moment la plateforme vous garantit le résultat de l’évaluation. C’est un point très important à souligner car des publics en situation de précarité sont souvent en demande de réponse immédiate. Ce n’est pas le propos de la plateforme. Par ailleurs, la plateforme ne vous dispense pas de faire les démarches pour chacune des aides auxquelles vous pourriez avoir droit non plus. Ainsi si la plateforme vous dit que vous pouvez prétendre à la Couverture Maladie Universelle, elle vous renvoie sur le site adhoc pour télécharger un bon vieux formulaire à imprimer et à envoyer par la poste à votre caisse d’assurance maladie 🙂
J’ai bien noté que le Président de la République voulais moderniser les services publics en ligne. L’idéal dans ce type de service serait typiquement de renvoyer vers un formulaire pré-rempli avec les données saisies lors de la simulation et que ce formulaire puisse être envoyé de manière électronique à l’administration concernée. Mais cette solution technologique ne vaudra pas grand chose sans l’accompagnement humain associé.
Ergonomie.
A titre personnel j’ai réalisé mon évaluation en trente minutes au lieu des sept annoncées. J’avais pourtant à ma disposition tous mes papiers, une calculatrice, de quoi écrire et du temps de cerveau uniquement consacré à cette tâche. Plusieurs points m’ont ralenti dans mon évaluation et plus particulièrement ceux liés à la Caisse d’allocations Familiales. Ainsi la plateforme me demande le montant des prestations reçues au titre de la prestation d’accueil du jeune enfant sur les trois derniers mois, puis sur une année (de aout-2016 à juillet 2017). Pour obtenir ces informations il faut que je me connecte sur le compte de la CAF et que je demande un récapitulatif de mes prestations versées sur les douze derniers mois. Je reçoisun relevé mois par mois qui m’indiquera le montant de chacune des prestations versées par la Caisse d’Allocation Familiale. A aucun moment j’ai la possibilité de calculer le montant sur les douze derniers mois. Charge à moi de prendre ma calculette et d’effectuer les totaux pour chaque prestations ! J’ai facilement du perdre dix minutes rien que pour ça.
Dans le même registre, j’ai trouvé la saisie du montant des revenus peu intuitive. Là encore pour renseigner correctement le champ je suis retourné me logguer sur le site des impôts (au passage j’ai réinitialisé mon mot de passe que j’avais oublié bien entendu) pour voir ma déclaration d’impôts 2016. Sur la déclaration d’impôts ma colonne est à gauche celle de ma femme à droite, sur la simulation je suis au-dessus et ma femme en-dessous. c’est pas grand chose mais en adoptant la même présentation que celle du site des impôts cela gagnerait en fluidité aussi.
Bon évidemment en étant marié et ayant quatre enfants, ma simulation prend plus de temps qu’un célibataire sans enfant.
Le plus difficile dans ce test de simulation est de jongler avec les différentes plateformes pour pouvoir remplir correctement les champs. Effectivement quand on a tout rempli l’évaluation se fait en moins de sept minutes. Je mets au défi l’équipe de Mes Aides, la startup d’Etat de l’incubateur beta.gouv.fr qui a conçu la plateforme de relever le challenge 😉 Par ailleurs je les remercie pour leur feedback rapide dans la rédaction de cet article.
Accompagnement
Toutes les études menées autour des questions de médiation numérique montrent que ce sont les personnes qui ont le plus de difficulté sociale qui ont le moins de compétences numériques. Autrement dit, ce sont les personnes qui ont le plus besoin de cette plateforme qui savent le moins s’en servir (voire même qui ne savent même pas qu’elle existe). De plus le non-recours au droit, coûte plus cher sur le long terme que le financement des droits sociaux. On mesure l’enjeu social de cette plateforme. Pour que les personnes les plus fragilisées aient accès à leurs droits (et accessoirement pour que l’État fasse des économies sur le long terme), il faut impérativement faire évoluer les compétences numériques de ces publics. C’est tout le sens des milliers de lieux de médiation numérique qui jalonnent le territoire. Pour donner de la force à cette plateforme, il faut lui donner du corps. J’ai déjà analysé dans un précédent article le rapport coût / bénéfice d’un médiateur numérique, il reste à donner un élan. Cet élan c’est l’Etat qui peut l’impulser, à travers l’Agence du Numérique notamment en garantissant un accompagnement de qualité pour toutes les démarches administratives en ligne. De leurs côtés les professionnels de la médiation numérique s’organisent, se fédèrent pour être force de proposition et constituer une « Task Force » au service de la République Numérique. Des solutions émergent, des volontés se dessinent, des talents se manifestent. Les défis sont nombreux mais les réponses que nous pouvons y apporter collectivement le sont encore plus.