La compétence numérique est une des huit compétences clefs nécessaires à tout individu pour l’épanouissement et le développement personnels, la citoyenneté active, l’intégration sociale et l’emploi. Cette compétence vise pour chacun d’entre nous à appréhender les outils, les usages et les enjeux des univers numériques. A l’heure des procédures dématérialisées, des objets connectés, de la réalité virtuelle, de la donnée, les milliers d’espaces de médiation numérique présents en France diffusent les éléments de littératie numérique. La littératie numérique n’est pas seulement la maitrise des compétences en matière de pratiques numériques. C’est également une notion qui entraine une remise en question de ce que le numérique a changé chez les individus autour d’une nouvelle approche : celle d’une sagesse numérique qu’il convient d’enseigner à tous. Pour que nos territoires deviennent intelligents, il faut qu’ils soient intelligibles. Le rôle des médiateurs numériques est d’accompagner l’écosystème d’un territoire vers sa mutation numérique.
D’une fracture à l’autre
Il y a un peu plus de vingt-cinq ans naissait le web. A l’occasion du 25ième anniversaire de sa création Tim Berners-Lee déclarait : « Je veux profiter du 25e anniversaire pour que nous fassions tous cela, pour que nous reprenions la main sur le web et définissions le web que nous voulons pour les 25 prochaines années« ,1
La question qui en découle est comment parvenir à ce résultat ? Comment faire en sorte que chaque citoyen puisse reprendre la main sur le web ? Comment devenir des citoyens augmentés ?
Quand les Espaces Publics Numériques ont été initié en 1997 par le Premier Ministre Lionel Jospin, moins d’un Français sur deux avait accès à Internet. Les EPN ont été conçu pour pallier une fracture d’accès à l’équipement. En ce sens l’objectif peut être considéré comme atteint puisque nous sommes désormais plus de 80% à avoir accès à l’outil.
A la question de l’outillage, la problématique de la compétence a très vite été associée. Les Espaces Publics Numériques sont devenus des centres d’alphabétisation numérique et ont contribué à lutter contre l’illectronisme.
« L’essor des technologies de l’information ne doit pas creuser un “fossé numérique”. L’internet ne doit pas nourrir de nouvelles inégalités dans l’accès au savoir. Il revient au service public de veiller au développement équilibré de ces technologies sur le territoire national et à l’égal accès de tous aux contenus essentiels que diffusent ces réseaux. A travers l’Ecole, en particulier, l’Etat peut prévenir “l’illectronisme”, avant qu’il ne devienne un nouvel avatar de l’illettrisme. » 2
La montée en compétences des animateurs multimédia s’est faite par l’expérience. Les ateliers de formations aux compétences numériques basiques (utilisation de la messagerie électronique, traitement de texte, recherche sur internet…) sont devenus les quotidiens de milliers d’animateurs multimédia en France. Répartis dans les 5 000 lieux d’accès publics à internet, ces animateurs multimédias ont formé des millions d’internautes français et continuent de le faire encore aujourd’hui.
Avec la montée en puissance des réseaux sociaux et du téléchargement illégal (pour ne citer que ceux-ci), la question des usages a fait surface .Les animateurs multimédias ont alors investi les salles de classes et les MJC pour sensibiliser les jeunes à devenir des « internautes responsables ». Dans le même temps, les offres d’emplois n’étaient plus disponibles au format papier dans les agences de Pôle Emploi et nous pouvions effectuer notre déclaration d’impôts par internet (et économiser 20 € rappelez-vous…). Mais pour tous ces services, aucun accompagnement n’était proposé. Le public s’est alors naturellement tourne vers les Espaces Publics Numériques qui étaient déjà identifiés comme lieux ressources d’accompagnement au numérique. Sauf qu’apprendre à utiliser un logiciel de traitement de texte et rédiger une lettre de motivation sont deux choses complètement différentes. L’animateur multimédia devenait ainsi médiateur numérique, sans aucune formation complémentaire, ni reconnaissance, ni cadre. Après avoir montré ce qu’était un ordinateur, après avoir formé à l’utilisation du traitement de texte, après avoir accompagné à la télécandidature les demandeurs d’emplois, les médiateurs numériques ont alors sensibilisés à la gestion de l’identité numérique.
Les enjeux du numérique sont devenus le troisième étage de l’accompagnement des publics dans les mondes numériques pour les médiateurs numériques. Peut-on sensibiliser des jeunes aux bons usages d’internet sans accompagner les adultes à la question de l’accompagnement des mineurs sur internet ? Peut-on parler d’employabilité dans parler d’identité numérique ? Peut-on parler d’identité numérique sans évoquer nos traces ? Comment évoquer nos traces sans parler de nos données et du contrôle de celles-ci par « le club des cinq » (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft…) ? L’enjeu principal est bien d’éclairer le citoyen pour qu’il puisse devenir acteur de la société numérique. L’enjeu est de lui donner les éléments de littératie minimum pour qu’il puisse reprendre le contrôle. L’enjeu est aussi et surtout de veiller à ne laisser personne en cours de route et de favoriser l’e-inclusion des publics les plus éloignés en particulier. Le défi est de le faire partout sur le territoire dans un schéma directeur cohérent co-construit par les citoyens et pilotés par l’Etat. L’audace serait de corréler cette démarche avec les dynamiques de la French Tech ou de la Grande Ecole du Numérique. Chaque jour en France des dizaines de milliers d’utilisateurs poussent la porte d’un espace de médiation numérique. Parmi eux on ne trouve pas que les exclus de la société numérique mais aussi des entrepreneurs qui veulent monter leur start-up ou des lycéens qui s’interrogent sur leur avenir professionnel dans l’informatique. Le rêve serait de mettre en place un « service public de la médiation numérique ». La réalité c’est que les médiateurs numériques sont déjà au cœur de toutes les connections. Donnons-leur les moyens de nous emmener dans la société de demain.
1 Voir Le Monde du 12/03/2014 http://www.lemonde.fr/technologies/article/2014/03/12/vingt-cinq-ans-apres-la-creation-du-web-son-createur-veut-une-charte-de-l-internet_4381337_651865.html*
2 Lionel Jospin Discours à Hourtin 1999 http://illectronisme.free.fr/index.php/definitions/origines-du-terme/
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