Me voici en route pour une dixième d’années à alimenter ce blog « médiateur numérique ». le paradoxe est que je ne suis plus médiateur numérique depuis quelques années. Pour autant, le besoin de médiation numérique est encore présent. Il est peut être même devenu encore plus présent qu’il y a une dizaine d’années quand j’écrivais mes premières lignes. Faut il en finir avec les médiateurs numériques ?

D’animateur à médiateur

Quand on se demande si il faut en finir avec les médiateurs numériques, il convient de définir de qui et de quoi on parle. En ouvrant ce blog, il a fallu que je m’explique sur mon choix sémantique, sur le passage de l’animateur multimédia au médiateur numérique. J’ai retracé mon itinéraire pour la revue Cairn. Le médiateur numérique était celui qui faisait le pont, celui qui permettait au public de franchir le pas vers le numérique. Il s’agissait essentiellement de prise en main technique, d’accompagnement aux usages. Ces usages sont venus interroger la fonction métier du médiateur numérique.

Quand vous accompagnez des publics dans leurs démarches, vous ne savez plus très bien quelle fonction vous exercez. Tantôt vous êtes éducateur, tantôt vous êtes conseiller d’une administration en particulier (emploi, famille, impôts). Tantôt vous êtes écrivain public, mais vous êtes que rarement médiateur numérique. On fait appel à vos services parce que c’est vous qui savez vous servir d’une machine (ordinateur, tablette, smartphone) et que vous savez en comprendre les fonctionnements complexes (la demande de carte grise en est un parfait exemple). Ce n’est pas la plus-value d’une médiateur numérique. Oui il faut en finir avec cette vision étriquée de la médiation numérique qui consiste à résumer la notion d’inclusion numérique à accomplissement des démarches en ligne.

Tous médiateurs ?

Quand vous êtes accompagnant (professionnel ou bénévole) le numérique vient bousculer vos tâches.D’une part,vous devez parfois vous former pour gagner en technicité informatique pure. Si remplir un CERFA pour une demande d’allocation fait partie de vos tâches habituelles, la même démarche dématérialisée peut vous paraître déroutante tant vous avez l’impression de ne plus savoir faire. Il y a parfois un effet incapacitant de certaines solutions en ligne déployées par l’État. Le fait de ne pas avoir de guichet en face à face renforce une certaine peur de se tromper. Pour être exact ce n’est pas tant la peur de se tromper qui est un frein, mais ce sont les aspects liés aux recours et à la responsabilité du déclarant qui interpelle ce dernier dans sa fonction d’aidant numérique. Il y a en ce sens un enjeu majeur à ce que toutes les personnes qui accompagnent deviennent des médiateurs numériques. C’est à dire qu’ils soient en capacité d’accompagner aux usages numériques le public. Il faut donc inclure des modules de médiation numérique dans les formations d’animateur socio-culturels, d’éducateur, d’assistant social, d’aidant familiaux …La médiation aux usages numériques vitaux ne doit pas être l’apanage de professionnels dédiés. Il incombe à l’état de définir ce socle minimum commun.

Que deviennent les médiateurs numériques ?

De mon point de vue plusieurs options se dessinent. Je pense que nous touchons à la fin du « mouton à cinq pattes ». Le médiateur numérique doit à mon sens de plus en plus se spécialiser. Travailler dans un fablab ne demande pas le même socle que éduquer aux médias, même si dans les deux cas les compétences pédagogiques sont présentes. Travailler avec des enfants dans une structure d’éducation populaire, n’est pas tout à fait identique que travailler dans une maison de service public ou dans un espace de coworking. J’ai le sentiment que les médiateurs numériques d’aujourd’hui sont les animateurs socioculturels d’hier. Je pense qu’au delà d’un socle commun, il est possible de construire des parcours plus spécialisés. Tout comme nous avons des animateurs sportifs ou des animateurs de quartiers, nous pourrions avoir des médiateurs makers ou des datas médiateurs par exemple.

Quand nous engageons un médiateur numérique, nous devons tout faire pour que ce dernier apporte une véritable plus-value par rapport à un autre professionnel. Nous n’avons pas besoin d’un médiateur numérique pour mettre en forme un CV. Nous avons besoin d’un médiateur numérique pour questionner sur l’identité numérique.

Transition numérique

La mission du médiateur numérique a évolué. Il ne s’agit plus d’accompagner au numérique. Il s’agît d’accompagner au changement de société. Notre travail n’est pas technologique. Il est humaniste et social. Nous sommes les acteurs de la transition numérique de notre société. Nous demeurons en veille des nouveaux usages. Nous accompagnons encore les publics, même si ceux-ci peuvent désormais être des tiers-médiateurs. Nous guidons nos structures dans des choix de modèles économiques, philosophiques, politiques liés au numérique. Nous utilisons encore et toujours les services et logiciels. Et enfin nous expérimentons de nouvelles façons de travailler, de construire, de décider, de faire. Telles étaient les compétences clefs de la médiation numérique que je décrivais il y a quelques années. Celles-ci me semblent encore d’actualité.

 

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2 Responses

  1. Bravo. C’est un article, juste, dans lequel je me retrouve, et qui mérite d’exister.

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