Photo : Thomas Raffoux pour la Cie Déclic Théâtre.

Photo : Thomas Raffoux pour la Cie Déclic Théâtre.

Parfois j’entends dire de certains improvisateurs qu’ils jouent pour la gagne. J’y perçois le plus souvent une connotation péjorative qui, à mon sens ne devrait pas être. Un match d’improvisation reprend le décorum d’une rencontre sportive avec les deux équipes, les hymnes et le corps arbitral. Dès lors, gagner un match peut être un objectif en soit tout à fait respectable. Tout dépend de ce qu’on entend par « jouer pour la gagne ».

Le côté sportif

Un règlement officiel, un arbitre qui siffle des fautes, un capitaine qui conteste les fautes injustement mentionnées par l’arbitre prenant l’assistance à témoin, et même des point de pénalité, voir des exclusions…..le match d’improvisation est un événement sportif.  Du reste une rencontre est toujours précédée d’un échauffement physique collectif. On pourrait imaginer une préparation digne des plus grands clubs sportifs : analyse vidéo de « l’adversaire », alignement de l’équipe type avec tactique à adopter (j’imagine ici des conseils stratégiques du type : « on ne prend pas le lead », ou encore « on mise tout sur l’émotion »), …On pourrait pousser la logique sportive jusqu’à programmer l’entrée de nos jouteurs, en gardant en réserve tel élément pour des improvisations très ciblées par exemple. Dans la sélection, on alignerait des jouteurs en fonction de leurs spécialités techniques (untel pour les catégories chantées, tel autre pour cabotiner, etc…). On pourrait même équiper les jouteurs de montres connectées pour analyser leurs performances physiques….et puis des contrôles anti-dopages aussi…

Le côté spectacle

Se donner à 100%, être littéralement transcendé lorsque l’on pose le pied dans l’aire de jeu. Ne pas improviser, mais être un improvisateur (voir l’excellent article de Jibé : J‘improvise donc je suis). Se jouer des contraintes comme autant de possibilités offertes, n’avoir comme seul souci que celui de mettre l’autre jouteur en lumière, ne pas céder à la facilité en faisant ce jeu de mot tant attendu et si prévisible. Ne pas être prévisible, toujours improviser : ne pas tomber dans le syndrome de la boule de foin du western, se mettre en danger, oser, créer et ne pas se limiter. Ne pas se limiter, c’est ne pas penser à la place des autres (et en particulier du public), ne pas chercher spécialement à faire rire (ou son contraire), ne pas jouer, être. Être soi, être juste, être vrai, être présent et profitez de chacune des secondes de scène pour habiter complètement son personnage.

Ainsi si jouer la gagne c’est se donner à fond tout en respectant l’essence de l’improvisation (écoute, acceptation et partage), alors jouons la gagne.

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