La loi « république numérique » dans son article 69 vise à construire les “orientations nationales pour le développement des usages et des services numériques dans les territoires”. L’agence du numérique a organisé une consultation à ce sujet et on peut imaginer qu’elle en donnera les conclusions au prochain gouvernement. La question est de savoir ce que ce gouvernement en ferra. Un coup d’œil sur le programme des candidats nous donne déjà quelques éléments. Je me suis consacré à regarder les programmes de François Fillon, Benoit Hamon, Emmanuel Macron et Jean Luc Mélenchon. j’ai interrogé leur staff par email pour avoir des précisions complémentaires quand ce n’était pas suffisamment clair pour moi ou quand il me semblait y avoir des omissions.
Aux urnes médiateurs
Dans un rapport en date du 30 mars le Défenseur des droits appelle à la vigilance sur la fracture numérique. Il rappelle ainsi que 15 % de la population n’a pas accès à Internet d’une part. Et d’autre part un tiers de ceux qui ont accès se sentent peu à l’aise avec le numérique, notamment pour ce qui relève des tâches administratives. Ces difficultés peuvent entraîner un « non-recours » aux droits chez certains citoyens. Ainsi sans accompagnement, la numérisation des services publics peut creuser d’avantage les inégalités (et coûter plus cher à la société).
François Fillon propose de « Généraliser l’enseignement et la formation au numérique à tous les niveaux » mais n’aborde pas la question de l’accompagnement des retraités aux démarches en ligne par exemple. J’attends sa réponse sur ce sujet et plus globalement sur sa vision de la médiation numérique. A noter que François Fillon veut également proposer des cours de culture numérique dès le collège. François Fillion a pour objectif de « dématérialiser l’intégralité des procédures administratives d’ici à la fin du quinquennat ». Voir son programme numérique
Emmanuel Macron veut mettre en place « une stratégie d’inclusion à destination de ceux qui rencontrent des difficultés à utiliser le numérique en développant avec les associations et les collectivités, un réseau d’accompagnement sur le territoire qui proposera du temps de soutien et des formations aux outils et aux services numériques. » En réunion publique l’un de ses soutiens à évoquer le recours à des startups pour gérer cet accompagnement. j’attends confirmation du candidat sur ce point et je lui ai demandé quel rôle il souhaitait donner aux milliers d’accès publics à internet déployés sur le territoire qui, je le rappelle, étaient placés sous l’autorité de son ministère. Pour Emmanuel Macron d’ici 2022, 100% des démarches administratives pourront être effectuées depuis Internet. Voir son programme numérique
Benoit Hamon « souhaite que personne ne soit obligé d’utiliser le numérique, mais tient à ce que personne n’en soit empêché. » Selon lui « Chacun doit pouvoir accéder, en tout point du territoire, à un socle de compétences numériques et à une « culture numérique » émancipatrice. Pour atteindre les « décrocheurs du numérique », Benoît Hamon souhaite outiller les collectivités Il proposera, au titre de l’article 69 de la Loi République Numérique, un schéma directeur de déploiement des équipements de médiation numérique, maillé a minima à l’échelon intercommunal. » . Voir son programme numérique
Le programme numérique de Jean Luc Mélenchon tient en vingt pages et aborde le sujet dans sa globalité. je ne cite ici que les points liés à l’accompagnement. Il propose de
- « Faire de la médiation numérique une priorité, notamment en direction des milieux sociaux défavorisés et des générations plus âgées. Chacun doit être capable de comprendre et de maîtriser les technologies numériques, leurs enjeux et leurs usages.
- Soutenir les associations de médiation numérique et revaloriser le statut des médiateurs.
- Redynamiser les espaces publics numériques et en faire de véritables maisons du numérique, en développant les répare-cafés,fablabs, projets collaboratifs, pour offrir des formations à l’usage et à la citoyenneté numérique.
- Développer les espaces publics numériques ainsi que des programmes d’enseignement et de formation à la « culture numérique », ambitieux et pérennes à l’école et l’université
5 Responses
Merci Loïc de ces précisions (mais où trouves-tu le temps de faire tout ça ?).
S’agissant de l’article 69 de la loi « République numérique »,
La place allouée à la médiation numérique est réduite à la portion congrue. Je préférais de très loin les versions précédentes qui lui faisaient la part plus belle 🙁
Dans cette loi aux 113 articles, une seule occurrence « médiation » apparaît dans le texte (art.69). Ledit article est consacré aux prérogatives des élus des collectivités territoriales : « Ils peuvent comporter une stratégie de développement des usages et services numériques. Cette stratégie vise à favoriser l’équilibre de l’offre de services numériques sur le territoire ainsi que la mise en place de ressources mutualisées, publiques et privées, y compris en matière de médiation numérique ». C’est un peu léger…
Concernant le terme « inclusion », il n’est pas mieux loti. Il n’apparaît que dans l’art. 107 (section 2 « Accès des personnes handicapées aux sites internet publics ») au sujet de la carte « mobilité inclusion » qui n’a rien à voir avec la notion d’e-inclusion telle qu’on l’entend dans notre métier.
Apparemment, d’après ton enquête, c’est plutôt pour Mélenchon que devraient voter les médiateurs numériques. Si on te lis bien, c’est celui qui a les propositions les plus fouillées et les plus en phase avec notre réalité de terrain (les EPN sont cités).
Encore une fois Loïc, beau travail de veille et de décryptage. Espérons que nos futurs élus sauront prendre la mesure de l’importance de la médiation numérique. Il ne tient qu’à nous à nous mobiliser si on veut défendre la citoyenneté de nos concitoyens. Car, pour en jouir, la maîtrise du numérique est devenu, qu’on le veuille ou non, un pré-requis.
Il ne faut pas voir mon article comme un appel à voter pour tel ou tel candidat. Certains n’ont pas pris la mesure du problème et d’autres l’on particulièrement bien détaillée. Cela ne veut pas dire qu’une fois élus les premiers ne feront rien, mais qu’il faudra d’avantage les sensibiliser à la question. Enfin je me concentre sur un aspect du programme en particulier et les candidats ont une 50ne d’autres mesures à proposer. Ceci dit si on devait voter uniquement sur le critère « en phase avec la médiation numérique » il est clair que le programme de JL Mélenchon est le plus abouti à ce stade.
J’avais bien saisi l’objet de ton article. Ma réponse n’est pas un appel à voter pour tel ou tel candidat, cela ne m’intéresse nullement, car les promesses n’engagent que ceux qui y croient et j’ai pour habitude de me faire mon opinion sur du tangible et non sur catalogue.
Quoi qu’il en soit, le travail de sensibilisation des élu(e)s à la médiation numérique, surtout à destination des plus fragiles, reste une nécessité.
Bonjour,
Sur la question « Quel rôle donné aux milliers d’accès publics à internet déployés sur le territoire? » j’aimerais beaucoup avoir votre avis/ressenti sur la situation actuelle. Au travers de mes études sur les usages des TIC et sur le terrain j’entends: « les EPN sont voués à disparaître » (sous-entendant c’est normal ils ont rempli leur mission), « les espaces vont disparaître mais les compétences vont rester » , « les EPN sont en transformation »… J’observe une volonté dans les discours de développer les Labfabs et les espaces en médiathèque mais concernant les EPN dans les maisons de quartiers et autres (portés par des projets d’éducation populaire) il y a beaucoup de questions: les fermetures seraient-elles imminentes selon vous ? Vers quels métiers doivent se diriger ces animateurs spécialisés (j’ai par-exemple entendu que l’animation multimédia est à envisager au même titre que l’animation culturelle n’impliquant pas directement la médiation numérique ») ? L’expérimentation et l’ouverture aux cultures numériques (code, création numérique…) en EPN sont-elles aussi « légitimes » que l’accompagnement des personnes en difficulté (emploi, dématérialisation, …)?
De même la médiation numérique au travers de mes enquêtes apparaît avant tout comme une discipline incluant différents métiers, ce qui pose la question du métier de médiateur numérique en lui même… Je n’ai pas retrouvé d’articles aussi pertinents que ceux d’Internet actu de 2012 sur la question « quel avenir pour les EPN? », dans lequel d’ailleurs j’avais découvert votre site. Un grand merci au passage pour votre travail sur ce blog et la richesse des articles qui m’ont beaucoup aidé! 🙂
Bonjour.
C’est un peu compliqué pour vous répondre à chaud et cela va dépendre en partie du résultat des élections à venir.
Il y a une nécessité à accompagner aux outils, aux usages et à la culture numérique.
L’un des enjeux à mon sens est de mettre en évidence que seuls les EPN répondent à ces trois objectifs même si tous ne le font pas, bien entendu.
Il est fondamental de garder des espaces dédiés à cela.
La question de savoir s’il faut privilégier les maisons de quartier ou les médiathèques est politique.
Le constat est que les publics qui ont le + de difficulté avec le numérique sont ceux qui vivent en quartier prioritaire. Mais on peut très bien imaginer que ces questions soeint abordées par le champ de l’éducation populaire « classique » (et c’est le cas en partie). Il y a là un enjeu d’appropriation de la culture numérique par les animateurs socioculturels et les acteurs sociaux auquel la médiation numérique peut (et doit) répondre. En ce sens le médiateur numérique doit être en capacité d’accompagner cette prise en compte de la problématique. Je reste à votre disposition pour échanger.