
Internet, le web, la toile, la matrice, le cyberespace a vingt ans. En février 1996 John Perry Barlow publia la déclaration d’indépendance du cyberespace : » un monde où tous peuvent entrer sans privilège et sans être victimes de préjugés découlant de la race, du pouvoir économique, de la force militaire ou de la naissance […], un monde où n’importe qui, n’importe où, peut exprimer ses croyances, aussi singulières qu’elles soient, sans peur d’être réduit au silence ou à la conformité. » C’est en1984 dans Neuromancien de William Gibson que le terme est défini comme une « hallucination consensuelle vécue quotidiennement par des dizaines de millions d’opérateurs dans tous les pays , par des enfants à qui des concepts mathématiques sont ainsi enseignés… une représentation graphique de données extraites des mémoires de tous les ordinateurs du système humain» (Gibson, 1984).
Quand nous disons que nous sommes médiateurs numériques, de quel numérique sommes nous les médiateurs ?
De Barlow à Zuckerberg
La médiation numérique ne se résume pas à accompagner l’usager sur sa démarche de prime d’activité de la Caisse d’Allocation Familiale. C’est aussi (et je dirais même c’est surtout) diffuser les éléments de culture numérique. Hasard du calendrier, cette semaine nous célébrons deux anniversaires qui peuvent nous servir de prétextes. Le 4 février, c’est l’anniversaire de Facebook et le 8 février celui de la déclaration d’Indépendance du Cyberespace (1996). Il est intéressant de noter comment nous connaissons davantage Mark que John. Au-delà, cela pose également la question des « pères fondateurs » de ce cyberespace. Quand j’assure des présentations de culture numérique, j’aime rappeler que « l’essence d’Internet c’est le partage ». C’est ainsi que je le conçois et c’est ainsi que je le transmets. Et même dans une démarche de la CAF il peut y avoir du partage, nul n’est obligé de s’inscrire dans une logique de prestations de service.
De 1984 à 2004
Neuromancien est sorti en1984. 1984 c’est une date qui n’est pas neutre dans la cyberculture, c’est celle du roman d’Orwell. J’entends parfois des collègues me dire qu’ils ont du mal avec le numérique parce qu’ils ne maitrisent pas les outils. Mais la culture n’est pas l’affaire d’outil. Oui nous pouvons parler des changements de notre société sans écrire une ligne de code. Quand Orwell écrit « dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte criminel », j’ai le visage de Julian Assange qui apparaît. Pour disserter autour du transhumanisme, je peux me servir de « Bienvenue à Gattaca » ou de l’excellente série « Real Humans ». Cette série est d’autant plus « terrifiante » quand on la compare à la réalité d’Amazon par exemple. Et comment parler de robots sans évoquer le code de robotique d’un certain Isaac Azimov ?
On peut faire de la culture musicale sans lire le solfège, pourquoi la culture numérique serait elle réservée à ceux qui savent coder ?
Marcos Novak (l’un des premiers théoriciens de la cyber architecture) décrit le cyberespace comme « un espace libéré de toute contrainte physique, où nos repères spatiaux traditionnels n’ont plus cours, un espace où tout est constamment sujet à métamorphose : le cyberespace est pour lui un espace architectural par essence, lieu de toutes les expérimentations ». C’est dans l’expérimentation que prend sens la culture numérique. Entrez dans les mondes numériques, ils ne sont pas peuplés que de hordes de pédophiles, nazis, ou autres salopards du même acabit. Ils sont aussi habités par ceux qui veulent créer « une civilisation de l’esprit. Puisse-t-elle être plus humaine et plus juste que le monde issu de vos gouvernements. » (Déclaration d’Indépendance du Cyberespace)