
Le ministre de l’éducation nationale a fait le point sur sa stratégie « école numérique », l’occasion est ainsi donnée d’aborder grâce au point 6 de cette stratégie un thème qui m’est cher : celui des « Vrais » dangers du web. Dans le billet précédent je faisais part du décalage entre la commande institutionnelle et les attentes des élèves sur cette notion de dangers du web. Il est à noter que le terme de « médiateur » prend tout sons sens dans ce contexte tant les demandes sont éloignées. Pour autant, ni l’une, ni l’autre n’aborde la question de ces dangers telle que je l’entends en tant que professionnel. Dans son discours à la Gaiété Lyrique, le ministre a affirmé en préambule : « nous préparons nos élèves à devenir des citoyens actifs » et en ce sens, a relancé l’éducation aux médias.
Former des cybercitoyens
La notion de cybercitoyens me paraît floue et ambigüe. Elle me laisse à penser que le cyberespace est perçu comme un espace à part entière. Le cyberespace doit être perçu comme un prolongement de l’espace physique et non un espace à part entière. Les liens entre le cyberespace et l’espace physique s’imbriquent. Je ne pense pas qu’il faille former des citoyens du web, mais bien des citoyens « tout court » tant le web est une composante de la société actuelle. dans la même veine la volonté d’apprendre aux élèves à distinguer entre réalité et fiction laisse à penser que le web est le lieu de la fiction.
« Internet est un espace réel et actuel. Penser le contraire relève d’une aporie préjudiciable, qui ne respecte aucun des acquis de la philosophie et de la physique contemporaine. Nier cette réalité s’inscrit dans le prolongement d’un matérialisme parfaitement incarné par le paradigme territorial dominant, qui tend à confondre l’espace et le territoire. – » (Boris Beaude in :Internet Changer l’espace, changer la société).
Des citoyens actifs ?
Puisque l’objectif annoncé est de préparer des citoyens actifs, il me semble important d’aborder justement les problèmes sociétaux soulevés par Internet. Internet est le terrain des libertés. Celles-ci ont été énoncées dans la déclaration d’indépendance du cyberespace :
« En Chine, en Allemagne, en France, en Russie, à Singapour, en Italie et aux États-Unis, vous essayez de repousser le virus de la liberté en érigeant des postes de garde aux frontières du cyberespace. Peut être qu’ils pourront vous préserver de la contagion quelques temps, mais ils n’auront aucune efficacité dans un monde qui sera bientôt couvert de médias informatiques.
Vos industries de l’information toujours plus obsolètes, voudraient se perpétuer en proposant des lois, en Amérique et ailleurs, qui ont la prétention de confisquer à leur profit jusqu’à la parole elle-même à travers le monde. Ces lois cherchent à transformer les idées en un produit industriel quelconque, sans plus de noblesse qu’un morceau de fonte. Dans notre monde, tout ce que l’esprit humain est capable de créer peut être reproduit et diffusé à l’infini sans que cela ne coûte rien. La transmission globale de la pensée n’a plus besoin de vos usines pour s’accomplir.
Ces mesures toujours plus hostiles et colonialistes nous mettent dans une situation identique à celle qu’ont connue autrefois les amoureux de la liberté et de l’autodétermination, qui ont dû rejeter l’autorité de pouvoirs distants et mal informés. Il nous faut déclarer que nos identités virtuelles ne sont pas soumises à votre souveraineté, quand bien même nous continuons à tolérer votre domination sur nos corps. Nous allons nous répandre sur toute la planète, afin que personne ne puisse arrêter nos idées.
Nous allons créer une civilisation de l’esprit dans le cyberespace. Puisse-t-elle être plus humaine et plus juste que le monde que vos gouvernements ont créer auparavant. »