Souvent, on imagine que le médiateur numérique n’accompagne que des personnes en difficulté. A travers les portraits de Céline et de Sabrina nous avons vu comment des situations difficiles pouvaient être rendues encore plus complexes sans accès au numérique. Le numérique agit comme un amplificateur. Les inégalités déjà existantes sont amplifiées si vous n’avez pas accès au numérique. C’est pour cela que les médiateurs numériques agissent principalement en direction des personnes déjà en difficulté. A leur manière, ils assurent une mission de cohésion sociale par le numérique. Si cet aspect du métier est très certainement, le plus tangible, le médiateur numérique n’intervient pas uniquement dans ce cadre. L’exemple de Marion nous montre que nous pouvons tous être des exclus du numérique et parfois de façon insidieuse.

Tous exclus

Nous sommes tous à un moment donné des exclus du numérique. le champ est tellement vaste, qu’il y a nécessairement des pans entiers qui nous échappent. Le rôle du médiateur numérique est de garantir un socle de culture numérique minimum. Ainsi chacun est en mesure d’évoluer dans les univers numériques et d’en mesurer les tenants et les aboutissants. C’est comme cela que Marion a découvert l’une des limites du numérique. Jusque là elle ne s’était pas intéressée plus que cela au fonctionnement des algorithmes et à leur impact. Il suffit parfois d’une rencontre, d’un concours de circonstance pour se rendre compte d’une évidence.

Marion n’a aucune difficulté. Elle est parfaitement bien insérée dans la société et est très à l’aise avec les outils numériques. Comme tout le monde elle a du mal avec quelques formulaires obscurs mais elle est autonome. Elle vit dans un milieu très aisé et a une influence. Pour son anniversaire elle décide de publier une photo d’elle enfant. Sur la photo, elle parait avoir 5 – 7 ans. Et comble de l’indécence pour instagram elle apparaît torse nu ! Cette photo sera supprimée pour cause de nudité infantile, avant d’être rétablie face au tollé provoqué par l’actrice.

 

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Le sexisme des algorithmes

Les algorithmes reproduisent la réalité mais en la surjouant ce qui contribue à renforcer les stéréotypes. Les règles de publication de nos réseaux sociaux peuvent contribuer à renforcer ces stéréotypes. En censurant un téton mis à nu, Instagram et Facebook ont fait que nous utilisons désormais le ruban rose pour faire la promotion du dépistage du cancer du sein. Nous avons intégré qu’en montrant un sein nous allions être censurés et nous nous appliquons à nous-mêmes cette censure.

Dans le même temps, les bimbos de la télé réalité envahissent les flux de nos jeunes filles et de nos jeunes gens. L’image qu’elles renvoient est surement plus sujet à caution que la photo « offensante » de Marion. Les algorithmes sont faits par des hommes pour des hommes. Mais ils sont faits aussi par des blancs pour des blancs.Ainsi, les contrastes sur les visages des noirs ne sont pas suffisamment au point pour les outils de reconnaissance faciale.

Cette forme d’exclusion est insidieuse à plus d’un titre.Elle n’est pas généralement pas volontaire. L’exclusion n’est pas évidente au premier abord et il faut un décryptage pour pouvoir analyser ces biais. Ce caractère invisible et indolore fait que le médiateur numérique n’est pas saisi pour y remédier. De plus le champ d’intervention dépasse de loin le caractère numérique. De quoi la publication  de Marion est elle révélatrice ? Assurément la réponse tient plus dans la place de la femme dans la société dans son ensemble. Alors quel rôle peut jouer le médiateur numérique dans ce cas ?

Changer la donne

Encore une fois la première étape consiste à rendre visible l’invisible. Personne ne rentrera dans notre espace numérique pour nous missionner sur ces questions. On préférera capitaliser sur nos accompagnements aux démarches administratives en ligne. Pourtant ce travail de décryptage, d’éducation aux médias et de diffusion de la culture numérique est le fondement de notre action. C’est par ces actions, lentes, invisibles et ô combien déséquilibrées que chaque jour nous contribuons à lutter contre ces formes d’exclusion. En organisant des ateliers de codage pour les filles des quartiers populaires, nous aidons, à notre manière Marion à se rebeller contre les algorithmes. Demain l’une de nos filles deviendra peut-être codeuse. Cela ne suffira surement pas à changer la donne entièrement, mais c’est notre part.

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