C’est un endroit qui ne ressemble ni à la Toscane, ni à l’Italie. Un endroit où l’on attend et dans lequel lorsqu’on a fini d’attendre, on sait qu’on va encore attendre .On aimerait pouvoir y trouver des réponses, mais le plus souvent on aura des réponses qui n’entraîneront que des hypothèses.
C’est un endroit dont on ne parle peu. En parler c’est être jugé, voir mis de côté.C’est un lieu de refuge, qui pour beaucoup est un lieu d’exil, un lieu à éviter, un lieu qui concentre les peurs.Au moment même où j’écris ces mots, je m’y trouve.
Je sais que je n’en sortirai pas indemne. C’est un endroit difficile. C’est encore plus difficile de se dire que cet endroit est assurément le plus adapté pour celui où celle qu’on aime. Amener l’être aimé dans cet endroit est un véritable acte d’amour et en même temps cela demande beaucoup d’efforts pour le faire. Il faut prendre sur soi. Accepter ce qu’on a toujours occulté, ce à quoi on a jamais été préparé. Ni pour soi. Ni pour ses proches. Encore moins quand il s’agit de son propre enfant.
On se retrouve alors spectateur d’une situation dans laquelle on ne peut rien faire d’autre qu’aimer, accepter ce qui se passe, attendre et espérer. Il nous faut y croire sans cesse. Parfois même on appercoit une lueur. On sait qu’elle peut être éphémère.Alors on la saisit, on entretien la lumière même si d’un coup d’un seul, elle peut s’éteindre. Brusquement.
Et on recommence.
Aujourd’hui je suis de nouveau aux urgences psychiatriques. Je n’y étais pas retourné depuis un an. Avec son équipe médicale, on devait envisager son retour dans la société dans deux jours. Il y a quelques jours encore, on observait les progrès. Son état paraissait stabilisé. Et sans qu’on sache pourquoi ni comment, la machine s’est enrayée. Nous revoilà revenus en arrière. C’est moins pire que la dernière fois. C’est ce qu’on se dit pour se rassurer. On se demande aussi quand nous sortirons de cette spirale. Mais personne ne peut répondre à cette question. Personne ne peut même nous dire si nous en sortirons. Alors, nous ne posons pas la question et essayons de reprendre le cours « normal » de l’existence. En sachant, qu’à n’importe quel moment, le téléphone pourra sonné et que nous devrons y retourner.
En attendant je vais rentrer à la maison. Il faudra que je trouve les mots pour ses sœurs et son frère quand ils me demanderont comment il va . Il faudra que j’arrive à évacuer cette surcharge émotionnelle liée à la gestion de l’évènement. On ne s’habitue pas à ces moments. En tout cas je ne m’y habitue pas.
Le médecin se demandait ce qu’il pouvait faire ne pouvant joindre son médecin habituel. Le mettre à l’abri. Pour éviter qu’il ne se fasse mal. C’est l’urgence. Pour le reste les médecins se mettront en lien demain. Ou alors c’est moi qui ferai ce lien. Encore aujourd’hui j’ai écrit à la neuropsychologue pour obtenir son analyse pour la transmettre moi même au médecin de référence. J’ai eu cette dernière au téléphone, je lui ai demandé si elle avait appelé la neuropsy. Ne rien lâcher.
J’ai envoyé un texto à la maman. Difficile de ne pas être alarmiste. Un « rappelle moi » suffit. Elle sait. On est séparé depuis plus de douze ans. On habite à 80 km l’un de l’autre. 80 kilomètres, c’est loin quand on ne peut rien faire d’autre que s’inquiéter. Alors il faut prendre du temps aussi pour calmer ses peurs légitimes. La rassurer comme on peut même si on a pas d’éléments.
En fait dans ces moments là je me sens seul. Terriblement seul . Je prends soin des autres mais qui prend soin de moi ? Personne. Pas de groupes de parole. Pas de suivi psychologique du premier cercle. J’ai bien tenté de voir des praticiens. Mais voilà, l’urgence est omniprésente et je ne me suis pas autorisé à prendre du temps pour moi. Et puis je ne vous cache pas que j’ai culpabilisé. Puis j’ai essayé de comprendre. Avant d’accepter et de gérer le quotidien entre internement, urgences, hospitalisation et isolement.
Dès fois, bien sûr, j’ai des coups de moins bien. Je me demande à quoi ressemblera sa vie d’adulte. C’était un garçon brillant, lumineux, souriant et solaire. Et un jour il s’est éteint. Et moi aussi je me suis éteint un peu. J’essaie de rallumer ma flamme mais la mèche est mouillée et ne veut pas prendre. Je n’arrive pas à retrouver mon étincelle.
Bonjour,
Merci pour votre témoignage qui sort un peu des lignes de votre site mais qui apporte tout autant.
Je vous souhaite le meilleur à vous, votre fils et votre famille.
La maladie psychiatrique est extrêmement mal représenté dans notre société, elle touche pourtant une part non négligeable de la population. Cette non représentation laisse le champ libre à tous les aprioris et toutes les peurs que chacun peut porter. Alors merci pour ce témoignage.