Vision globale des personnas de l'inclusion numérique. Photo par Aude Mugnier

Il y a assurément plusieurs manières d’élaborer un diagnostic d’inclusion numérique sur un territoire. Il y a l’approche cartographique qui va répertorier les lieux. A cette approche cartographique, nous associons souvent un répertoire des acteurs. Pour nous convaincre que notre approche convient, nous réalisons même des enquêtes pour cerner les besoins du public. Quand un Français sur deux est en difficulté avec ses démarches administratives numériques (voir le Baromètre du Numérique),le résultat de l’enquête est connu d’avance. Aussi, il est important de s’interroger sur notre vision de l’inclusion numérique au service du territoire dans un premier temps. A partir de cet éclairage nous pouvons étudier comment il se caractérise pour les usagers et, de là, proposer des pistes d’actions concrètes.

Définir l’inclusion numérique

Beaucoup d’acteurs de l’inclusion numérique interviennent sur un seul et même territoire. Tout en considérant les politiques nationales en la matière, il est fondamental dans un premier temps de partager une définition collective de l’inclusion numérique. Il s’agit d’établir un cadre commun d’intervention dans lequel chaque acteur se reconnaît. Ainsi ce cadre permet à chacun de se positionner dans les réponses qu’il propose. L’inclusion numérique regroupe trois champs principaux : l’accès, le développement des compétences et l’inclusion sociale.

Favoriser les accès aux ressources numériques

La première des inégalités d’accès aux ressources numérique est liée à la couverture numérique du territoire. Il existe encore des zones blanches (voir : https://monreseaumobile.arcep.fr/ ), qui sont le plus souvent des zones difficilement accessibles. Le déploiement de la fibre est le plus souvent pris en main par un syndicat mixte dédié. Il est fondamental de se rapprocher de cette structure pour connaître le calendrier de déploiement prévisionnel.

En second lieu, on estime à 10% la population sans équipement. A cette population, il faut ajouter les usagers qui ne sont pas suffisamment équipés. Au-delà du terminal d’accès aux services, l’usager devra également utiliser un scanner et une imprimante. Enfin la dotation en matériel de l’usager est étroitement liée à la composition familiale dans laquelle il évolue. Dans une famille avec deux ados, il y aura très vraisemblablement un équipement commun et des équipements individuels. Si l’on considère que l’accès à un terminal connecté est un vecteur d’émancipation pour un adolescent, il faut alors se questionner sur notre rôle pour l’aider à s’équiper. Ce qui vaut pour un adolescent, vaut pour un retraité, ou tout autre usager. Aidons nous les usagers à s’équiper individuellement et si oui comment ?

La dotation individuelle intervient en complément de la dotation collective. Concrètement, notre cartographie permet de mettre en évidence les lieux publics disposant d’un appareil connecté avec un accompagnement. Notre cartographie devra révéler les conditions d’accès à ces lieux. Faut-il être abonné ? L’accès est il payant ? Limité en durée et en usages ?

Enfin, et c’est un point souvent négligé, la notion d’accès aux ressources numériques doit nous interroger sur nos outils et services numériques. Ces derniers sont-ils accessibles à l’ensemble de la population en particulier aux publics handicapés ? L’un des premiers chantiers sur lequel nous avons la main est de rendre nos outils et services numérique au Règlement Général de l’Amélioration et de l’Accessibilité pour que nos outils ne soient pas, de par leur conception, excluant.

Développer les compétences numériques

Si les questions d’accès appellent des réponses structurelles, le développement des compétences numérique s’inscrit dans une logique plus personnalisé. L’objectif général de cet axe est d’accompagner l’usager jusqu’à ce qu’il soit autonome dans ses tâches numériques. Cette notion d’autonomie est étroitement liée à la définition de l’inclusion numérique du territoire. Nous pouvons distinguer deux écoles de pensée en la matière : une école utilitariste et une école émancipatrice. L’école utilitariste va cerner la notion d’autonomie autour du faire. L’école émancipatrice va aller au-delà du faire pour inclure des éléments de culture numérique permettant de comprendre le numérique, voire même d’agir en conscience avec. Pour développer les compétences numériques des usagers, le médiateur numérique va proposer à la fois des accompagnements individuels et des séances collectives. Ces modalités d’accompagnement vont être adaptées et personnalisées en fonction de chaque usager. Cependant nous pouvons regrouper ces usagers en trois profils types. Il y a les publics proches de l’autonomie, ceux qui en sont éloignés. Enfin, il faut également prendre en considération ceux qui sont exclus du numérique.

Les publics proches de l’autonomie.

Pour ces usagers nous allons privilégier des ateliers collectifs en petits groupes de 6 à 8 personnes. Ils sont en capacité d’apprendre et de mémoriser les ateliers numériques, et ce même s’ils partent de zéro. Ces usagers vont avoir besoin d’un suivi au long cours sur plusieurs mois surtout si ils sont débutants. En revanche si ils ont déjà des acquis numériques avérés, ce suivi se focalisera sur une thématique précise liée à leur profil avec un suivi intensif sur quelques semaines. Par exemple, un médiateur numérique peut organiser des ateliers autour de la gestion de son identité numérique en direction de jeunes demandeurs d’emploi. Quoiqu’il en soit, il faut prévoir des modalités de suivi individuel et ponctuel en fin de parcours pour permettre à l’usager de solliciter un appui si besoin. La cartographie des acteurs locaux de l’inclusion numérique permettra ainsi de savoir vers quels acteurs, l’usager peut s’orienter.

Les publics éloignés du numérique

La notion d’éloignement du numérique est toujours une notion floue et englobe beaucoup de réalités différentes. Un récent rapport commandé par l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires pose parfaitement cette notion de l’éloignement du numérique. Globalement, nous allons considérer que les publics éloignés du numérique sont ceux qui nécessitent un soutien individuel dans leur accompagnement. Ces publics peuvent effectivement développer des compétences numériques, mais de façon limitée, et avec l’appui d’un professionnel à leur côté pour faire avec eux. C’est souvent ainsi que sur le terrain le professionnel distingue les publics entre ceux qui peuvent être inscrits à un atelier collectif pour faire seuls, et ceux qui ont besoin d’un accompagnement renforcé, ponctuel ou permanent. Du reste, le professionnel n’est pas toujours dans la posture de transmettre des compétences à ces publics. Il peut aussi, à la manière des agents des Espace France Service, faire avec l’usager et être dans une posture de réassurance pour l’usager.

Les exclus du numérique

Les exclus du numérique sont les usagers qui n’utilisent pas les outils et services numériques. Ces personnes ne sont pas uniquement exclues du numérique. Elles sont le plus souvent dans une situation d’exclusion sociale. Le médiateur numérique ne peut pas accompagner cet usager, seul. Pour un accompagnement efficace, il faut mobiliser plusieurs partenaires de l’action sociale. Le médiateur numérique, va lui s’inscrire dans cet accompagnement pluridisciplinaire en agissant à la place de l’usager. Parfois, c’est le professionnel de l’action sociale qui prendra cette posture de « faire à la place » de l’usager. Il faut envisager des nouvelles formes de médiation allant jusqu’au déplacement au domicile de l’usager pour réaliser des opérations en son nom, et voire même en apportant une connexion 4G.

Inclusion sociale et inclusion numérique

Le troisième champ lié à l’inclusion numérique après les questions d’accès et de développement des compétences numériques est celui de l’inclusion sociale par le numérique. Ce champ est celui qui caractérise l’approche émancipatrice de l’inclusion numérique. Il ne s’agit plus de penser le numérique comme une finalité mais comme un moyen. Le médiateur numérique s’inscrit alors au cœur d’un processus d’accompagnement global de l’usager centré sur ses besoins. Cela implique un changement de paradigme dans lequel , l’usager est placé au cœur du dispositif. Pour interroger les territoires sur les parcours usagers, je propose une vingtaine de personnages permettant de se questionner.

Ainsi pour chacun de ces personnages, vous pouvez vous interroger à plusieurs niveaux. Dans un premier temps vous devez déterminer si cette personne relève, de votre point de vue de votre vision de l’inclusion numérique. Dans un second temps, vous analysez comment vous répondez à sa problématique. Est-ce que vous traitez son problème en interne intégralement, partiellement ou pas du tout ? Renvoyez-vous l’usager vers une autre structure ? Comment l’usager peut se rendre vers cette deuxième structure ? Comment vous assurez-vous qu’effectivement la prise en charge aura bien lieu dans cette deuxième structure ?

Une fois que vous avez recueilli la réponse actuelle à la problématique particulière, vous pouvez vous interroger s’il s’agit d’un cas isolé ou d’un cas que vous rencontrez fréquemment. Ainsi, vous cherchez à quantifier le problème avec une donnée approximative. A partir de cette donnée, vous pouvez mettre en évidence les besoins de l’usager et dans un second temps la manière dont vous pouvez améliorer votre réponse par rapport à ces besoins. Le numérique ne sera pas toujours mobilisé.

Une conclusion devrait assez rapidement s’imposer. Il y a de nombreux leviers à activer pour faciliter le parcours de l’usager. Le préalable sera de mettre en place une gouvernance locale.

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