Au début de mois de Juin j’ai défendu mon dossier de Validation des Acquis de l’Expérience afin d’obtenir la Licence professionnelle Usages Sociaux Éducatifs des Technologies de l’Information. Cette licence, unique en son genre, est délivrée par l’Université de Rennes 2. Elle permet, entre autres débouchés, de pouvoir exercer sur un poste de Médiateur numérique. J’ai entendu beaucoup de mes pairs déclarer que si on me l’a donnait pas à moi, on ne l’a donnait à personne tant il est vrai que j’ai participé à la définition de ce métier ces vingt dernières années. Mais voilà, il s’agit d’un diplôme universitaire et les diplômes universitaires ne se délivrent pas « au mérite ». Je vous propose de revenir sur ce parcours en VAE d’une manière générale avant d’approfondir sur cette licence en particulier.
Formalités administratives
La VAE est un parcours long et semé d’obstacles. Entre ma demande d’éligibilité et mon oral, 18 mois ce sont écoulés. Pourtant, l’écriture en tant que telle du dossier aura été concentrée sur 6 mois !
La vae est un parcours dans lequel vous êtes seul. Vous ne pouvez pas vous appuyer sur d’autres étudiants pour échanger sur une problématique donnée. Une accompagnatrice va vous aider dans la conception de votre dossier mais ce n’est pas une spécialiste du diplôme. Vous aurez des temps de regroupement a distance ou sur site avec d’autres étudiants en VAE mais qui ne sont pas nécessairement dans votre cursus.
Une fois que vous êtes au clair sur ces modalités, vous pouvez passer à la partie administrative de votre dossier.
Éligibilité.
L’étape la plus cruciale consiste à choisir le diplôme que vous allez tenter d’obtenir. Gardez en tête que celui-ci doit s’appuyer sur vos expériences. L’expérience ne se justifie pas que par le prisme de votre parcours professionnel. Si vous êtes trésorier d’une association, vous avez au moins des notions en comptabilité. Vous savez comment présenter un budget, un compte de résultat, voir même remplir un dossier de demande de subvention.
Vous allez écrire à l’université qui décerne votre diplôme en adressant une lettre de motivation et un CV . Il s’agit à cette étape de montrer succinctement en quoi, de votre point de vue, vous pouvez prétendre à intégrer le dispositif VAE. Vous devez également expliquer en quelques mots ce qui vous motive à réaliser une VAE. ( Et celle ci en particulier).
Financement
Si je devais donner un conseil, c’est de commencer le plus tôt possible cette séquence. La validation des acquis de l’expérience n’est pas gratuite, il est donc important de savoir comment vous allez la financer. En fonction des situations vous pouvez vous appuyer sur votre employeur, Pôle Emploi ou bien sur votre Compte Personnel de Formation. Si vous avez recours au soutien de votre employeur, regardez les modalités. Ainsi pour mon employeur les demandes sont examinées en avril. Or j’ai effectué ma demande d’éligibilité en octobre, soit six mois auparavant. Même en obtenant une réponse positive mon accompagnement a débuté en octobre, soit un an après ma demande éligibilité. Evidemment si vous financez votre validation sur vos deniers personnels cela peut aller plus vite. Cependant il faut alors prendre en compte les dates d’entrée possibles sur le diplôme que vous visez. Ainsi si il n’y a qu’une rentrée dans l’année, vous devrez vous conformer au calendrier de votre établissement.
Partie rédactionnelle
Si la partie administrative peut prendre du temps, elle n’est évidemment pas la plus intéressante. Une fois intégré dans le dispositif de validation du diplôme vous allez être coaché par une tutrice. Sa mission est de vous guider dans l’art et la manière de compléter un dossier de validation des acquis. Elle n’est pas une experte du diplôme que vous visez. Le dossier se compose de trois parties : une partie parcours de vie, une partie description des activités et une synthèse mettant en relation votre expérience avec les attendus du diplôme.
Parcours de vie
Dans le parcours de vie vous retracez l’ensemble de vos expériences professionnelles, associatives ainsi que votre parcours scolaire. Vous notez absolument toutes les formations auxquelles vous avez participé, même si elles ne sont pas sanctionnées par un diplôme. Ainsi si votre employeur vous a inscrit à une formation sur la gestion des incivilités en 2001, elle doit figurer dans votre parcours de vie. Je vous livre un scoop, vous allez en oublier ! En effet, même le simple fait d’avoir participer à une conférence peut figurer dans votre parcours de vie.
Description d’activité
Dans cette partie vous reprenez plusieurs expériences significatives de votre parcours de vie pour illustrer les compétences que vous avez acquis en lien avec le diplôme visé. Quand vous décrivez votre expérience, vous devez le faire avec beaucoup de minutie et de rigueur. Partez du principe que vous expliquez à un néophyte votre manière de travailler dans les moindres détails. Vous expliquez comment vous faites et vous justifiez votre manière de faire, toujours en gardant en tête les attendus du diplôme. Non seulement vous devez décrire et justifiez vos actions, mais vous devez de surcroît prouver que vous les avez effectivement réalisées. Vous repartez ainsi en quête de preuves physiques justifiant vos propos. Cela peut être des attestations, des diplômes, des articles de presse, des rapports…Bref tous les travaux que vous avez produit sont susceptibles de servir de preuve. D’expérience quand vous devez rechercher des preuves qui ont vingt ans, cela peut s’avérer particulièrement difficile.
Enfin au delà de la description de vos activités et du journal de preuves associé, cette seconde partie doit mettre en évidence votre aptitude à prendre de la hauteur sur votre pratique professionnelle. Il s’agit de se replonger dans le contexte et de voir comment celui-ci a influencé vos actions. Vous devez également mettre vos travaux en résonance avec le travail des chercheurs ou des autorités de référence.
La licence pro USETIC
En ce qui me concerne j’ai donc opté pour une validation des acquis de l’expérience avec l’objectif d’obtenir une licence professionnelle Usages Socio Educatif des Technologies de l’Information et de la Communication (USETIC). Cette licence est proposée uniquement par l’université de Rennes 2 (voir le descriptif de la licence ). A la sortie de cette licence, les étudiants peuvent poursuivre leurs études ou intégrer le monde du travail comme médiateur numérique dans un espace public numérique. Avec une quinzaine d’années d’expérience en qualité de médiateur numérique, cette licence me paraissait adaptée à mon parcours.
Dans mon parcours d’activité j’ai donc décrit les compétences que j’avais mises en oeuvre à travers mon parcours en adéquation avec les attendus du diplôme. J’ai présenté mon dossier auprès d’un jury début juin à Rennes.
Le jury
Une fois le dossier finalisé, il faut l’envoyer à l’université. Le jury prend alors connaissance du dossier et vous reçoit dans un entretien (appelé communément soutenance). Pendant une dizaine de minutes vous présentez votre dossier en mettant en évidence les points essentiels de votre dossier. Puis le jury peut vous poser des questions pendant une vingtaine de minutes. Le jury est composé de deux professionnels de votre branche, deux professeurs du diplôme visé et est présidé par un professeur totalement extérieur au sujet.
J’ai préparé mon oral avec une grande minutie. J’ai séquencé ma présentation de manière méthodique et j’ai utilisé la facilitation graphique comme pense bête.
Les questions
La composition du jury est connue à l’avance. Mon accompagnatrice m’avait par ailleurs fourni les questions les plus posées. J’ai bien évidemment travaillé sur ces questions et je me suis renseigné sur mon jury. Parmi mon jury, l’une des professeures avait travaillé sur les pratiques numériques des jeunes. Je citais son travail dans mon dossier. je m’étais préparé à ce qu’elle m’interroge sur ce point. L’autre professeur était responsable du cours « politiques publiques » de la licence. J’avais récupéré son cours sur la plateforme de l’université, en particulier celui sur l’histoire de la médiation numérique (pour lequel du reste je ne suis pas d’accord sur les dates). J’ai passé mon examen quelques jours après l’annonce de la feuille de route gouvernementale liée à l’inclusion numérique. Je m’étais aussi préparé sur ce point là et aucun des deux sujets n’a été abordé.
La bibliographie
Les universitaires aiment bien les bibliographies. On parle beaucoup du caractère peu aventurier des jeunes qui ne ne naviguent que sur quelques sites laissant peu de place à la sérendipité, les universitaires sont pareils. En dehors de Cairn et Hal ils ne connaissent que très peu de sites. Je savais que ce point là était mon point faible puisque j’ai profité de cette licence pour faire des lectures, jusqu’à mon dernier jour de préparation. L’une des professeurs était d’ailleurs déçue de cet absence de bibliographie dans mon dossier, bien que celle-ci ne soit pas obligatoire. Si la bibliographie était absente, c’est que ma construction s’est faite à travers les échanges en ligne ou en présentiel avec les principaux concernés. Pour l’anecdote j’ai cité les travaux de Mickaël Le Mentec , dont je n’avais jamais entendu parlé avant ma VAE, dans mon oral. J’ai remarqué qu’il intervenait souvent sur le cursus et qu’il avait publié des travaux en collaboration avec les deux professeurs de mon jury. C’est par ce biais que j’ai lu son travail, quatre jours avant l’oral. Il était bien trop tard pour le faire figurer dans mon dossier rendu un mois plus tôt.
Et la suite ?
Deux heures avant mon jury, j’ai déjeuné avec le créateur du diplôme, dernière brique à ma préparation. Il me reste beaucoup de choses à écrire. J’ai pu me rendre compte que l’histoire de la médiation numérique était assez mal documentée en préparant ce diplôme. J’ai la chance d’avoir été là au début de cette histoire et d’y avoir contribuer fortement. On me rapportait récemment qu’un enseignant chercheur parlait de moi comme l’initiateur du terme médiateur numérique. C’est flatteur, mais ce n’est pas tout à fait exact. Alors je n’exclue pas de verser au commun ma participation. Peut-être même que cela pourrait être l’objet d’une publication sur Hal. Allez-savoir….