Zoé est heureuse. A 28 ans sa vie bascule. Et si pour l’instant, elle a encore du mal à réaliser, le cliché qu’elle tient précieusement dans sa main lui confirme ce qu’elle espérait tant. Zoé est enceinte. « Maman ». Une nouvelle qu’elle compte bien partager au monde entier par le biais d’une story sur Facebook.
Rien à cacher
Elle caresse son ventre qui ne laisse rien présager à ce stade. Garçon ? Fille ? Le médecin n’était pas en capacité de répondre avec certitude. Qu’importe. Zoé l’a vu. Elle a même entendu son petit cœur battre. La jeune femme est encore toute retournée. Il faut qu’elle annonce la grande nouvelle à son compagnon. Et à ses copines bien sur.
Une story sur Facebook, avec une photo de l’échographie et ce simple commentaire « troisième mois ». On ne sait pas encore si c’est un garçon ou une fille mais cet enfant a déjà une vie numérique. Et pour Facebook c’est une aubaine. L’application va pouvoir vendre cette information à des annonceurs. Zoé va voir apparaître des contenus publicitaires ciblés. Chacune de ses recherches sur l’aménagement de la chambre où le choix du prénom viendra affiner son profil.
Beaucoup de parents vous diront qu’un enfant n’a pas de prix. Facebook a pourtant déjà vendu celui de Zoé. En effet, en publiant des contenus sur Facebook vous autorisez la plateforme, à les utiliser dans un cadre publicitaire, mais aussi de les sous-licencier.
Publics
Zoé ne rentrera surement jamais dans un espace de médiation numérique. Elle est à l’aise avec les outils et les usages numériques du quotidien. En cas de difficulté, elle pourrait trouver la réponse à son problème seule. Zoé n’a pas nécessairement conscience du problème auquel elle est confrontée. D’ailleurs pour elle il n’y a pas de problème. Tout le monde est sur Facebook Aussi pour sensibiliser Zoé aux données personnelles, il faut pouvoir être inventif. Puisque Zoé ne viendra pas à nous, c’est à nous de venir à elle.
Plusieurs questions se posent à nous. Zoé est autonome dans ses usages du numérique. Elle maîtrise les outils également. A certains égards, certains médiateurs numériques pourraient se demander si elle fait partie des publics cibles. Pourtant, comprendre le monde numérique dans lequel nous évoluons est, de mon point de vue, le fil conducteur de la médiation numérique.
Médiation
Pour toucher Zoé, nous pouvons utiliser deux types de médiation. Tout d’abord, nous pouvons utiliser le numérique comme un outil de médiation en tant que tel. Certes, nos efforts se concentrent davantage sur les publics les plus éloignés du numérique. Cependant, les questions de société , concernent tout aussi bien des publics tout à fait à l’aise dans leurs usages. Ce site en lui-même constitue un dispositif de médiation.
Ensuite, nous pouvons également concevoir des dispositifs de médiation numérique physiques : des affiches, des prospectus. En ce qui concerne Zoé, nous savons qu’au cour de sa grossesse elle passera dans une permanence de la protection maternelle et infantile. La PMI est un service du conseil départemental chargé d’assurer la protection sanitaire de la mère et de l’enfant. C’est un endroit dans lequel on se rend pour avoir des conseils sur sa grossesse. Si on reste dans le champ du numérique, certaines femmes ont des interrogations sur les ondes du téléphone portable pendant la grossesse par exemple. Une plaquette avec des conseils simples est un élément qui amènera peut-être Zoé à franchir les portes d’un espace de médiation numérique. C’est aussi , l’opportunité de travailler avec un hôpital, une PMI, et d’autres acteurs de santé. Une façon de montrer qu’un espace de médiation numérique a une mission plus large que celle d’accompagner à la prise de rendez-vous en ligne.